Pourquoi je n’irai pas voter

Y parait qu’on est appelés à voter dimanche prochain pour les zélections zeuropéennes.

Ça fait déjà plus de six mois que je vois des affiches fleurir sur les murs.

Et puis Zuckie est là pour me le rappeler :

Ici je vois surtout les affiches du RN, qui, je pense va rafler la mise.
Et les commentateurs diront comme à chaque fois que si le fn/rn fait de gros scores c’est de la faute des abstentionnistes.
Juste un rappel à ces messieurs-dames autoproclamés experts en analyse politique.
Si le RN obtient de bons résultats, c’est qu’il y a beaucoup de fachos.
Je les entends déjà:
 » – Gna gna gna, on peut pas dire que les électeurs du RN sont tous des fachos.
– Et bien si ! Il faut appeler un chat un chat et un électeur du RN ou un autre parti d’extrême droite un fasciste!
– Gna gna, on peut pas dire que le RN est un parti d’extrême-droite…
– Ta gueule !
C’est pas parce que les médias et la macronie ont dédiabolisé le RN que celui-ci n’est plus d’extrême-droite, c’est l’inverse, ce sont les médias et la macronie qui se sont fascisés.

Ce qui me fait marrer, c’est que ces gens qui prônent la préférence nationale vont voter pour un mec qui a un prénom anglo-saxon et un nom italien.
Il est trop fort Jordan !

montage Pierre Grandmonde sur une photo trouvée sur le net

Alors, s’ils ne sont pas tous fachos, ils sont pour le moins cons.

trouvé sur le mur de Bérangère

Pourtant, il y a du choix, 38 listes. 81 candidats par liste. Ça fait 3078 prétendants à vos suffrages. Il y en aura bientôt plus que de votants.
J’ai une pensée pour le cantonnier d’un petit village obligé de fabriquer  tous ces panneaux électoraux aux dimensions réglementaires pour satisfaire aux besoins légaux d’affichage des différentes listes (ça m’étonnerait que les préfectures fournissent les mairies et les petites communes n’ont pas forcément les moyens d’en acheter) tout en sachant qu’au maximum une dizaine sera utilisée, peu de listes ayant les moyens d’en imprimer en nombre suffisant…
Déjà dans ma ville de 8000 habitants, seuls 15 panneaux sont recouverts de leur affiche…
Et ils et elles sont là, sémillants, tout sourire, très élégants. Ce ne sont que des produits et nous sommes les consommateurs. Et en marketing, on apprend que pour vendre quelque chose de complètement inutile il faut un emballage attractif.
Cependant, rien ne vous oblige à acheter…

38 listes !
J’ai fait un petit recensement, et selon Ouiquipe & Dia – qui sont à l’analyse politique ce que Rivoire & Carret sont aux pâtes, une référence -,  17 sont qualifiées « d’attrape tout « , moi j’aurai plutôt appelé ça des partis attrape couillons…
Mais je suis déçu, le parti de la loi naturelle ne se présente pas cette année, pourtant, moi qui médite tous les jours, j’aurais pu être séduit par leur approche.
Souvenez-vous :

Faute de me sentir représenté, je vais me tourner une nouvelle fois vers l’abstention.
Je sais, que comme toujours nous allons être montrés du doigt et stigmatisés comme vous avez pu le voir dans un article d’autant plus récent que je l’ai publié hier.
Ça devient lassant, du coup, je vais recycler un vieil article écrit en 2015 pour une autre élection, mais mon point de vue n’a pas changé.

En votant demain, nous allons, une fois de plus, substituer le pouvoir légal au pouvoir légitime. Le
premier, précis, d’une clarté en apparence parfaite, atomise les votants au nom du suffrage universel.
L’autre est encore embryonnaire, diffus, obscur à lui-même : il ne fait qu’un, pour l’instant, avec le
vaste mouvement antihiérarchique et libertaire qu’on rencontre partout mais qui n’est point encore
organisé. Tous les électeurs font partie des groupements les plus divers. Mais ce n’est pas en tant que
membre d’un groupe mais comme citoyens que l’urne les attend. L’isoloir, planté dans une salle d’école
ou de mairie, est le symbole de toutes les trahisons que l’individu peut commettre envers les groupes
dont il fait partie. Il dit à chacun : « Personne ne te voit, tu ne dépends que de toi-même ; tu vas décider
dans l’isolement et, par la suite, tu pourras cacher ta décision ou mentir. » Il n’en faut pas plus pour
transformer tous les électeurs qui entrent dans la salle en traîtres en puissance les uns pour les autres.
La méfiance accroît la distance qui les sépare.
Jean-Paul Sartre, « Élections, piège à cons », Les temps modernes n°318, janvier 1973

J’ai longtemps été le citoyen modèle allant voter à toutes les élections, depuis ma majorité jusqu’en 2005.
LCR puis NPA ou écolo au premier tour et ps au second pour faire barrage à la droite.
J’ai même voté Chirac (à reculons, après avoir longtemps hésité) en 2002, c’est dire.

Mais en 2005, les choses ont changé.
Rappelez-vous le référendum sur le traité européen. Le « non » l’a emporté et le verdict des urnes a été rejeté.
Quelques mois plus tard, « nos » représentants rectifièrent le tir en se substituant au peuple et ont adopté un texte en bafouant le suffrage universel.
Ce déni de démocratie m’est resté en travers de la gorge.

Je pensais déjà que le suffrage universel n’était qu’un paravent destiné à sauver les apparences et cacher le fait que nous vivons sous une « démocratie » bourgeoise et libérale, mais je jouais encore le jeu, mais à partir de ce moment, je n’ai plus été voter à deux ou trois exceptions près.
J’ai continué de voter aux élections municipales lorsque j’habitais un village de 200 habitants, car ça ressemble à la démocratie directe, tout le monde connaît les candidats, on sait pour qui on vote, et on peut interpeller les élus quand on les croise.
Et j’ai fait une entorse à ma philosophie libertaire en allant voter Méluche en 2022, bien que je ne l’apprécie pas spécialement. ( Mais le fait que toute la droite -du ps à l’extrême droite- le vilipende me le rend presque sympathique.)
Je me montre parfois souple et pragmatique.

Le peuple a par sa faute
Perdu la confiance du gouvernement
Et ce n’est qu’en redoublant d’efforts
Qu’il peut la regagner.
Ne serait-il pas
Plus simple alors pour le gouvernement
De dissoudre le peuple
Et d’en élire un autre ?

Bertold Brecht 1954

L’histoire du suffrage universel n’est-elle pas là pour le dire ? — Tant que la bourgeoisie a craint que le suffrage universel ne devînt entre les mains du peuple une arme qui pût être tournée contre les privilégiés, elle l’a combattu avec acharnement. Mais le jour où il lui a été prouvé, en 1848, que le suffrage universel n’est pas à craindre, et qu’au contraire on mène très bien un peuple à la baguette avec le suffrage universel, elle l’a accepté d’emblée. Maintenant, c’est la bourgeoisie elle-même qui s’en fait le défenseur, parce qu’elle comprend que c’est une arme, excellente pour maintenir sa domination, mais absolument impuissante contre les privilèges de la bourgeoisie.

Pierre Kropotkine « les droits politiques » 1882

Compagnons,

Vous demandez à un homme de bonne volonté, qui n’est ni votant ni candidat, de vous exposer quelles sont ses idées sur l’exercice du droit de suffrage.Le délai que vous m’accordez est bien court, mais ayant, au sujet du vote électoral, des convictions bien nettes, ce que j’ai à vous dire peut se formuler en quelques mots.
Voter, c’est abdiquer ; nommer un ou plusieurs maîtres pour une période courte ou longue, c’est renoncer à sa propre souveraineté. Qu’il devienne monarque absolu, prince constitutionnel ou simplement mandataire muni d’une petite part de royauté, le candidat que vous portez au trône ou au fauteuil sera votre supérieur. Vous nommez des hommes qui sont au-dessus des lois, puisqu’ils se chargent de les rédiger et que leur mission est de vous faire obéir.
Voter, c’est être dupe ; c’est croire que des hommes comme vous acquerront soudain, au tintement d’une sonnette, la vertu de tout savoir et de tout comprendre. Vos mandataires ayant à légiférer sur toutes choses, des allumettes aux vaisseaux de guerre, de l’échenillage des arbres à l’extermination des peuplades rouges ou noires, il vous semble que leur intelligence grandisse en raison même de l’immensité de la tâche. L’histoire vous enseigne que le contraire a lieu. Le pouvoir a toujours affolé, le parlotage a toujours abêti. Dans les assemblées souveraines, la médiocrité prévaut fatalement.
Voter c’est évoquer la trahison. Sans doute, les votants croient à l’honnêteté de ceux auxquels ils accordent leurs suffrages — et peut-être ont-il raison le premier jour, quand les candidats sont encore dans la ferveur du premier amour. Mais chaque jour a son lendemain. Dès que le milieu change, l’homme change avec lui. Aujourd’hui, le candidat s’incline devant vous, et peut-être trop bas ; demain, il se redressera et peut-être trop haut. Il mendiait les votes, il vous donnera des ordres.
L’ouvrier, devenu contre-maître, peut-il rester ce qu’il était avant d’avoir obtenu la faveur du patron ? Le fougueux démocrate n’apprend-il pas à courber l’échine quand le banquier daigne l’inviter à son bureau, quand les valets des rois lui font l’honneur de l’entretenir dans les antichambres ? L’atmosphère de ces corps législatifs est malsain à respirer, vous envoyez vos mandataires dans un milieu de corruption ; ne vous étonnez pas s’ils en sortent corrompus.
N’abdiquez donc pas, ne remettez donc pas vos destinées à des hommes forcément incapables et à des traîtres futurs.
Ne votez pas ! Au lieu de confier vos intérêts à d’autres, défendez-les vous-même ; au lieu de prendre des avocats pour proposer un mode d’action futur, agissez ! Les occasions ne manquent pas aux hommes de bon vouloir. Rejeter sur les autres la responsabilité de sa conduite, c’est manquer de vaillance.
Je vous salue de tout cœur, compagnons.

Élisée Reclus. Clarens, Vaud, 26 septembre 1885

« Les moutons vont à l’abattoir. Ils ne se disent rien, eux, et ils n’espèrent rien. Mais du moins ils ne votent pas pour le boucher qui les tuera, et pour le bourgeois qui les mangera. Plus bête que les bêtes, plus moutonnier que les moutons, l’électeur nomme son boucher et choisit son bourgeois. Il a fait des Révolutions pour conquérir ce droit. »

Octave Mirbeau, La Grève des électeurs, 1888

Je reviens maintenant sur les arguments qui sont régulièrement opposés aux abstentionnistes

 

L’abstention favorise le rassemblement national  :
Ce qui favorise le rn, c’est avant tout la politique antisociale de tous les gouvernements  depuis 1982.
Souvenez- vous de la légitimation de l’extrême-droite  par Fabius, alors premier ministre en 1984
C’est aussi la corruption de certains élus qui donne du grain à moudre à Lepen.
C’est surtout la banalisation des thèmes de l’extrême droite dans l’espace public et principalement dans les médias des millirdaires, mais aussi sur le service public.
Alors qu’il y a encore quelques années, il y avait une ligne claire entre les partis dits républicains, et le fn, (même si il y avait déjà des gens comme Pasqua qui oeuvraient à un rapprochement, dans l’idée d’absorber le fn comme le ps avait su le faire avec le pc, pour mieux le digérer ensuite).
Le rpr, puis l’ump, puis lr, (C’est dingue le nombre de fois que ce parti a changé de dénomination, comme s’il suffisait de changeait d’enseigne pour changer l’intérieur du magasin) ont repris les thèmes chers au fn sur l’insécurité, l’immigration et l’islamophobie pour draguer les électeurs fn/rn et tenter de les récupérer lors des deuxièmes tours.
Ensuite, une certaine « gauche » tendance « Printemps républicain »   a repris également ces thèmes nauséabonds en surfant sur l’islamophobie au nom de la sacro sainte laïcité. Je pense en particulier à des gens comme Val ou Fourest ou plus récemment Onfray, et à Charlie hebdo qui y a contribué avec la publications des caricatures de Mahomet repiquées il faut le rappeler à un journal danois ouvertement d’extrême droite.
Le ps porte aussi une très lourde responsabilité dans la montée du fn, en le favorisant électoralement pour affaiblir l’ump.
Nous ne favorisons pas le rn avec notre abstention, nous n’avons de cesse de combattre ses idées et tous ceux qui les propagent.
Combattre le rn, ce n’est pas mettre un bulletin dans l’urne pour faire barrage à son accession au pouvoir, (on voit le résultat avec le méprisant…) c’est se battre au quotidien contre ses idées.
Or depuis des années, les gouvernements successifs appliquent le programme du rn, on l’a encore vu avec la loi immigration de Darmanin très inspirée des thèses défendues par l’extrême-droite.

Nos anciens se sont battus pour le droit de vote et c’est leur faire insulte que de s’abstenir :
A celles et ceux qui en sont encore à penser ça, et qui le rabâchent à chaque élection comme un mantra pour nous culpabiliser, je leur réponds juste que nos anciens se sont battus, le payant parfois de leur vie dans des luttes sociales pour obtenir de meilleures conditions de travail, davantage de droits sociaux, , et c’est à eux que nous devons d’avoir eu des conditions de travail plus dignes qu’au XIXème siècle.
Mais tous ces acquis de haute lutte sont depuis plusieurs années attaqués par le bloc bourgeois qui gouverne.
Chirac, Sarkozy, Hollande, le méprisant n’ont eu de cesse de favoriser les entreprises au dépends des travailleurs, pour toujours davantage de profits pour les actionnaires et davantage de misère pour les précaires.
J’aimerais que toutes celles et tous ceux qui, au nom de nos ainés, nous conspuent de choisir l’abstention nous retrouvent dans la rue pour défendre les acquis qu’ils ont arrachés aux prix de grèves, de sacrifices et parfois de leur sang.

 Les abstentionnistes sont les déçus de la politique :  
Je n’ai pas le prétention de représenter tous les abstentionnistes, mais pour  beaucoup c’est un geste politique fort et nous sommes impliqués politiquement dans des luttes locales, sociales et/ou écologiques.
Certains font partie d’associations ou de syndicats, et notre vision politique qui ne se réduit pas à mettre une petite enveloppe dans l’urne lorsqu’on nous le demande.

 L’abstention ne sert à rien, mieux vaut encore exprimer un vote contestataire :
Pour ceux qui vont exprimer un vote contestataire de la gauche radicale, c’est leur choix. Je le respecte. Pareillement pour celles et ceux qui vont voter pour la vraie gauche qui aspire à gouverner. (même si je pense comme Louise Michel que le pouvoir est maudit)
Ceux qui pensent qu’en votant fn sans en épouser les idées parce qu’ils croient que c’est un parti anti-système et qu’il faut donner un coup de pied dans la fourmillière, je pense qu’ils font une grave erreur.

Si vous ne votez pas, ne venez pas vous plaindre après :  
Au contraire, nous pensons avoir avoir toute la légitimité pour le faire.
En ne votant pas, nous exprimons clairement notre désaccord.
Je pense que ceux qui acceptent les règles de cette soi disant démocratie devraient en accepter le principe à savoir se ranger à l’avis le plus fortement exprimé.
Je rejoins Desproges qui disait que la démocratie n’est jamais que la dictature du plus grand nombre, donc de ceux qui regardent Sabatier (aujourd’hui je dirais Hanouna, et au passage, je suis abasourdi, qu’un candidat « communiste » aille sur le plateau de cet ennemi de classe sur une chaîne ouvertement fasciste.)

Je refuse ce processus électoral pour les raisons exposées ci-dessus et ce faisant je refuse ces règles que je pense biaisées de cette « démocratie » bourgeoise et capitaliste.
Pour moi la démocratie s’exprime dans les luttes, je refuse tout sectarisme avec la gauche de combat, et j’aimerais que certains éléments de la gauche radicale cessent leur sectarisme envers la mouvance anti autoritaire.
Nous pouvons avoir des divergences de vue, mais nous devons rester unis dans la lutte contre le capitalisme. 

Photo René Maltête, 1960

Il y a le vote blanc :
Depuis la loi du 21 février 2014 visant à reconnaître le vote blanc aux élections les bulletins blancs seront, à compter du 1er avril 2014, décomptés séparément des votes nuls et annexés en tant que tel au procès verbal dressé par les responsables du bureau de vote. Mais, comme auparavant, ils ne seront pas pris en compte dans le nombre des suffrages exprimés (ensemble des bulletins moins les votes blancs et nuls).
(source http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/citoyen/participation/voter/droit-vote/abstention-vote-blanc-vote-nul-quelles-differences.html )

Le vote blanc n’étant pas considéré comme un vote exprimé, il ne sert à rien.
Mieux vaut s’abstenir, car plus l’abstention est grande, plus la légitimité du pouvoir élu est fragile.

J’attire aussi l’attention de ceux qui se laisseraient séduire par ceux qui parlent de démocratie directe ou de sixième république mouvements qui sont noyautés par les confusionnistes qui utilisent une rhétorique de gauche pour séduire les alternatifs pour mieux les amener vers l’extrême droite. Il faut être très vigilants et dénoncer, les Dupont Aignant, Asselineau ou autres Chouard ou Soral qui ne sont au mieux que des réactionnaires et au pire des fascistes et dans tous les cas des ennemis politiques. (voir les listes attrape tout plus haut)

 

Pour moi, tous ces arguments ne tiennent pas la route, pour autant je  ne prétends pas détenir la vérité.

Quant au moi de mai, c’est pas pour me vanter, mais je vous avais bien dit qu’il ne passerait pas l’été.
Surprenant, n’est-ce-pas ?

©Pierre Grandmonde 2 juin 2024

« Ne votons pas!! Organisons la lutte Ils ne nous représentent pas »