Plus rien ne m’arrête

Décrivez un changement positif que vous avez réalisé dans votre vie.

Fort de mon récent succès bloguesque, je suis comme boosté aux ors mornes* de la renommée et je surfe sur ma popularité chèrement acquise.
(Ça va les chevilles? )

Je réponds donc à l’incitation du jour, mais je ne sais pas où ça va me mener, et où ça va t’entraîner chère lectrice, cher lecteur, car les méandres de mes pensées sont comme les voies de Dieu, impénétrables.
Je vais donc décrire « un changement positif »  que j’ai réalisé et qui en plus a changé ma vie.


Tu connais ces pubs « avant/ après » qui vantent un produit en montrant les transformations physiques d’un individu et qui te prennent pour un jambon.
Les attrape-nigauds, c’est bon pour les gogos.
Ne te laisse pas abuser par les photos photoshopées qui te promettent monts et merveilles.
(elle est bizarre cette expression, tu ne trouves pas ? Promettre des merveilles, je comprends, mais des monts?)

Avant
Après

Pour moi c’est un peu pareil, il y a un avant et un après et tu verras les photos -sans trucage- en fin d’article.
Mais je n’ai rien à vendre.


Il y a deux ans je me débattais, à bout de forces dans une dépression profonde, assommé par les médocs.
Je te passe les détails, sinon ça va faire un roman. (tiens c’est une idée…)
Je vais te la faire courte ( ou du moins essayer, comme tu le sais si tu m’a déjà lu, parfois je me laisse entraîner par mon élan et je m’égare dans des digressions).
Après un burn out professionnel et une aventure sentimentale calamiteuse, j’ai fait en quelques mois trois tentatives de suicide suivies d’autant d’internements en hôpital psy d’une durée de plusieurs semaines à chaque fois.
Diagnostiqué bipolaire, j’avais effectivement des phases maniaques avec une énergie considérable, entrecoupées de phases d’abattement profond. Ces périodes duraient quelques jours et je passais de l’une à l’autre sans raison apparente.
Un matin je me réveillais en pleine forme, trois jours plus tard je n’arrivais pas à sortir de mon lit…
Le traitement soi-disant le plus efficace est à base de lithium. Mais pour moi ses effets secondaires sont terribles et j’étais pris de tremblements incontrôlables au point de ne pas pouvoir tenir un verre, une tasse ou un bol sans renverser la moitié du contenu.
Et à l’hosto, les psychiatres ne voulaient rien savoir et n’en démordaient pas.
Une fois libéré de cette prison, le mot est un peu fort, mais la liberté en ce lieu est toute relative et étroitement surveillée par un personnel débordé tant les manques d’effectif sont criants.
Si l’hôpital public souffre beaucoup des coupes budgétaires, le secteur psychiatrique en est le parent pauvre.
Je te laisse imaginer, je ne te souhaite pas d’aller vérifier.
Les personnels et les patients en pâtissent.


Donc, une fois sorti de l’hôpital j’ai été suivi par un psychiatre de ville.
Il a changé mon traitement avec un anxyolitique et un antidépresseur sans lithium.
Je ne tremblais plus, mais je suis tombé dans une dépression profonde.
Si profonde que je ne sortais de mon lit que pour aller me vautrer sur le canapé devant la télé à regarder des séries pour essayer d’échapper à la rumination d’idées noires.
Je pensais tout le temps au suicide et élaborais sans cesse des scénarios pour mettre fin à mes jours.
Chaque soir je me couchais avec l’espoir de ne pas me réveiller le lendemain.
Je mangeais mal, je me lavais peu, je ne sortais pas.
Sauf pour mes rendez-vous médicaux, et c’était un calvaire. Il me fallait aller à Marseille chaque mois, 45 minutes de trajet en train et 20 minutes de marche, et autant au retour.
Pour une consultation qui  durait moins de 5 minutes, le temps de renouveler l’ordonnance et établir chaque trimestre un certificat d’inaptitude au boulot, après avoir attendu dans la salle prévue à cet effet un, deux ou trois quarts d’heure…
Et puis, au bout de 5 ans, mon congé longue durée s’est terminé.
Mon employeur n’a pas voulu me reprendre en mi-temps thérapeutique et m’a mis en retraite d’office.
J’avais alors 59 ans, et le méprisant s’apprêtait à faire passer l’âge de la retraite à 64 ans.

J’arrive à l’instant crucial, le changement dans ma vie, lequel s’est avéré positif.

J’ai alors décidé d’arrêter de voir le psychiatre et du même coup le traitement. Il n’est pas conseillé (et je ne conseille pas) de le faire sans accompagnement médical.
C’est pourtant ce que j’ai fait.
J’ai diminué progressivement les doses jusqu’à un arrêt complet.
Pour autant, si ces médocs induisent des effets secondaires, peut-être qu’ils m’ont empêché de passer à l’acte et de commettre l’irréparable.
Mais j’étais devenu un zombie.
Il a fallu encore 6 mois pour que mon corps se desintoxifie des substances accumulées dans l’organisme depuis des années.
Ça a été assez pénible, comme toute cure de désintox je suppose, avec des troubles du sommeil, des problèmes musculaires des irritations de la peau, une sécheresse des yeux et de la bouche, une grande nervosité,  mais j’ai tenu bon.

Puis j’ai recommencé à sortir, un quart d’heure par jour au début, puis au fur et à mesure de plus en plus longtemps et j’ai redécouvert le monde qui m’entoure en faisant des balades de plus en plus longues et en jouissant des paysages.
J’ai eu envie de partager ce que je voyais, et je me suis remis à faire des photos, que j’ai d’abord partagé avec ma famille puis sur Facebook que j’avais déserté.
J’ai retrouvé les amis et amies qui ne m’avaient pas viré, et j’ai commencé à avoir de nouveau des envies.
Envie de vivre et de prendre du bon temps, de croquer la vie à pleines dents.
Si tu veux en savoir plus sur la vie que je mène, tu vas jeter un oeil sur mes articles précédents. (Je t’ai mis quelques liens dans les paragraphes suivants.)
Lire, écrire (je n’avais jamais vraiment cessé, mais mon écriture tournait toujours autour de l’introspection morbide et du thème de la mort et je ne lisais que pour m’éviter de penser sans vraiment enregistrer , – pareil avec les séries que je regardais -), écouter de la musique ou la radio,(choses que je ne faisais plus du tout), et puis aussi réaménager l’appart, ranger le garage et le grenier, bricoler et surtout cuisiner.
J’en parle dans mon dernier article.
J’ai commencé à prendre soin de moi, et en quelques mois j’ai perdu plus de 15 kilos, et ayant la chance d’habiter au bord de la mer, je suis allé nager tous les jours matin et soir  (sauf les jours de mistral ou quand la mer était infestée de méduses), j’ai repris goût à la vie et connu une véritable résurrection.
Comme si une fée s’était penchée sur moi et d’un coup de baguette magique m’avait jeté un heureux sort.

Dorénavant je marche tous les jours, – au moins une heure, souvent plus de deux, je me suis inscrit à un club de rando et chaque vendredi je fais une sortie d’une vingtaine de kilomètres – en attendant que la mer soit plus accueillante (je me suis baigné cet hiver, mais en ce moment elle est agitée quand elle ne charrie pas des tonnes de vélelles), je passe beaucoup de temps en cuisine, je jardine sur le balcon, Et je me suis reconnecté à la nature.
Je ne dors plus que 3 à 5 heures par nuit comme si j’avais fait des provisions de sommeil pour le restant de ma vie pendant ma dépression, et je suis hyperactif toute la journée.
Revers de la médaille, si l’envie me prend de regarder un film ou même une simple vidéo je m’assoupis, même au ciné où je dois lutter pour garder les yeux ouverts.
J’avais pour habitude de bouquiner le soir avant de m’endormir, mais dorénavant, je n’ai pas lu une page que le livre me tombe littéralement des mains.
Comme j’aime lire, je le fais maintenant le matin après avoir bu mon café quand je ne cède pas à mon addiction aux réseaux sociaux ou ne décide pas de répondre aux incitations de l’hébergeur de ce blog…
Comme je te l’ai promis plus haut, voici mon « avant/après ».

Il y a deux ans
Il y a deux jours

La vie est belle, et c’est tant mieux…
Un grand merci à Lili qui m’a ramassé à la petite cuiller quand j’étais au plus mal et qui s’est ensuite montrée très patiente.
Sans elle , je n’en serais pas là.

*moi aussi je sais parler comme une ministre

©Texte et photos** Pierre Grandmonde 10 avril 2024

**sauf celles du méprisant piquées sur le net

Un commentaire

  1. bleufushia · avril 12

    Profondément émue et ravie de ta résurrection (ou résurgence, j’enlève le côté catho du mot…je sais combien ce cadre-là a contribué à un certain étouffement).
    Et comme pour ton article #metoo, je trouve courageux de mettre ça au clair, sans exhibitionnisme, juste en témoignage qu’on peut revenir de (très) loin, et être pleinement là, heureux de l’être et savourant le bonheur d’être en vie, en humain désirant, pensant, sentant, expérimentant, en relation à soi, aux autres, au monde, à la nature, à l’art et j’en passe…
    Des années de beau bonheur à vivre, intense ou léger. Bon cheminement, l’ami de coeur…

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