Balade marseillaise, la suite à l’Estaque

La chose étant promise depuis plusieurs jours, il faut bien que je m’y colle.
Le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle, comme disait le poète. Je ne vous dis pas lequel, je ne vais pas toujours vous mâcher le boulot…
Quelques clics sur votre moteur de recherche favori vous apprendront ou vous rappelleront qui est l’auteur de ce poème qui figurait au programme et dans l’incontournable Lagardémichar de mon adolescence.


Un ciel bas et lourd qui me rappelle ma jeunesse passée dans la contrée la plus septentrionale de notre beau pays. Je vis désormais à plus de mille kilomètres et ces cieux plombés sont plutôt rares.
Je suis content qu’il pleuve, les nappes phréatiques sont à sec, et ces averses sont bienvenues pour la flore et la faune qui ont beaucoup souffert de la sécheresse.


Certes, la randonnée à laquelle je devais participer a été annulée et je n’ai pas été me baigner, mais ça m’a permis de faire d’autres choses, notamment un nouvel article de blog alors que celui-ci était en gestation.
J’avais commencé à le préparer, téléchargé les photos, fait quelques recherches sur les liens et écrit un titre, et puis je suis parti sur tout autre chose, mon bain dans la mer froide, et l’article sus-cité.
Je me laisse guider par l’inspiration qui emprunte souvent des chemins de traverse.
J’aime bien écrire, même si je n’ai pas de talent particulier, c’est le moyen d’expression artistique que je pratique avec la photo, et le blog me permet de mêler les deux.
Je ne suis pas très doué pour les arts plastiques, même si je m’essaie parfois aux collages, je n’ai jamais réussi à jouer d’un instrument de musique, et pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé et m’être esquinté les doigts sur les cordes de guitare…


J’ai longtemps pratiqué l’écriture par le biais de la correspondance avec mon ami Lucien, qui en réalité s’appelle Christophe, et qui m’appelle également Lucien…
Le plus cocasse est que nous avons été présentés l’un à l’autre par un type, que j’ai perdu de vue depuis, qui s’appelait, et doit toujours s’appeler Lucien.


Nous étions de jeunes adultes indépendants de nos parents depuis peu, on se voyait souvent, autant que nos boulots respectifs le permettaient, on buvait des canons, ou plutôt, comme nous nous voulions un peu raffinés, nous confectionnions des cocktails, on fumait beaucoup de shit, faisant de temps à autre une virée amstellodamoise ou en Belgique, on lisait énormément, on disputait des parties d’échecs, on allait jouer au tarot chez des amis …
Et puis au bout d’à peine quelques mois, j’ai eu ma mutation pour l’Ardèche.
Nous avons alors entamé une correspondance passionnée avec des lettres de plusieurs pages, parfois plusieurs dizaines, souvent assez délirantes tant nos esprits respectifs étaient embrumés par les vapeurs illicites et sous l’influence de nos lectures respectives.

Qui n’a pas connu ces échanges épistolaires acheminés par voie postale ne peut comprendre le plaisir de la correspondance mêlé à l’impatience du passage du facteur.
Le plaisir était encore plus grand lorsque j’ai pris une dispo et me suis mis à voyager dans de lointaines contrées orientales où je devais aller retirer mon précieux courrier en poste restante à la GPO.
Pour celles et ceux qui recherchent la signification de ce sigle, je ne vais pas les laisser errer sur internet où il est uniquement référencé en tant que « Group Policy Object » (Stratégie de groupe) une fonction de Windows.
Je vous parle d’une époque où l’informatique n’en était encore qu’à ses balbutiements, et pour tout routard, le GPO désignait le General Post Office.
Mais cette technologie a progressé plus vite qu’un cheval au galop, et nous a rattrapés.

Nous avons délaissé plume et papier pour le clavier et l’écran et avons échangé par mail. Mais bien que nous ayons eu encore quelques beaux échanges, je n’ai jamais retrouvé cette magie de l’écriture manuscrite.
Et puis, les liens se sont distendus, et nous nous n’écrivons plus que pour nos anniversaires respectifs pour nous donner quelques nouvelles. Il n’est pas sur facebook, et nous ne nous téléphonons jamais pas plus que nous échangeons de SMS.
De temps en temps, nous essayons de relancer la machine, mais j’étais très peu en verve ces dernières années et en panne d’inspiration…
D’ailleurs en prévision de son prochain anniversaire , j’avais commencé à lui faire un mail, et ça m’a redonné l’envie d’écrire, une envie croissante également alimentée par de beaux échanges sur Messenger avec une amie virtuelle, mais véritable, rencontrée récemment sur facebook.
(J’ai beau être très critique sur ce réseau social, il m’a permis quand même de faire de belles rencontres)


Je crois que je m’égare, il est temps de regarder ma boussole et de reprendre la direction de Marseille où nous avons passé la journée de dimanche Lili et moi, accompagnés pour le coup par nos voisins devenus des amis (et pour celles et ceux qui auraient loupé l’épisode précédent , c’est par ici)

Après cette belle et froide matinée et nous être restaurés au chaud, notre petite assemblée a approuvé ma proposition d’aller faire un tour à l’Estaque si chère à Robert Guédiguian et qu’on retrouve dans presque tous ses films.:

Guédiguian, pour moi, n’est pas un cinéaste majeur, mais c’est un bel humaniste qui porte un regard de plus en plus désenchanté mais non dénué d’espoir sur son quartier et sur le monde, tel un Ken Loach marseillais, sauf qu’il travaille avec les mêmes acteurs, et j’aime retrouver cette « famille » les anciens Ascaride, Meylan, Darroussin enrichie plus récemment par Demoustier et Stevenin.

Ce n’est pas très loin, le trajet ne dure que quelques minutes, pas assez de temps pour recharger la batterie de mon téléphone et faire beaucoup de photos, mais Lili m’a très gentiment proposé quelques uns de ses clichés.
Qu’elle en soit remerciée.

Quelques uns des 111 quartiers de la ville qui ont souvent gardé un aspect de village autour de leur église et de leurs écoles.

A l’origine , l’Estaque était un village de pêcheurs, ce qui n’est guère étonnant pour un littoral, mais à partir de la révolution industrielle, ceux-ci furent peu à peu remplacés par des ouvriers travaillant dans les usines de tuiles et sur le port .

Petites maisons avec courettes destinées aux ouvriers
♫ dans le sud, y’ avait des corons ♫
©Lili Tango

A la fin du XIXème siècle et la nouvelle mode des bains de mer, l’Estaque devint un lieu de villégiature pour la bourgeoisie marseillaise qui s’y fit construire de luxueuses villas sur les hauteurs.

©Lili Tango


une jolie paréidolie pour Lili
en plus ça rime

Ce fut l’époque où Cézanne vint s’installer pour quelques mois en voisin depuis Aix en Provence, délaissant la Sainte Victoire pour les paysages maritimes de l’Estaque. Il invita ses amis Renoir ou Monet à venir profiter de ces paysages entre mer et montagne sous la lumière provençale. Plus tard, Braque vint aussi s’installer dans ce quartier.

Le viaduc
©Lili Tango

Comme je l’écrivais plus haut, les « villages » marseillais se sont construits autour de leur église et le nom officiel des quartiers y fait souvent référence, Saint Henri, Saint Louis, Sainte Marthe, Notre Dame Limite… et l’Estaque n’y déroge pas avec son église en son cœur.

Approchons-nous un peu de l’église, et entrons-y pour admirer ses vitraux (cliquer sur la flèche pour faire défiler (de sardines)) :

Dans l’église trône une étrange statue. Elle représente un homme portant des chaînes. Nathalie, la voisine, m’interroge sur cette représentation, sachant que par mon éducation religieuse je connais assez bien l’histoire sainte, j’avoue mon ignorance, lui disant que je pense qu’il s’agit du christ mis aux arrêts par les romains.
Comme je n’avais plus de possibilité de faire de photos, j’en ai emprunté une trouvée sur le ouèbe où cette statue est emmenée en procession jusqu’à la mer.

©le petit estaquéen

Ce n’est qu’en rentrant, – alors que je rédigeais un courrier pour ma sœur, pour accompagner la crèche achetée le matin au marché des Aygalades (voir épisode précédent) et pour qui j’avais pris aussi dans l’église de l’Estaque quelques images pieuses agrémentées de prières, – que je me suis interrogé sur le nom de cette église.
Figurez-vous qu’elle se nomme l’église Saint Pierre-ès-liens, et tout Pierre que je suis, malgré les années de catéchisme et d’endoctrinement catholique, je n’avais jamais entendu parler de cette histoire.
Il s’agissait donc d’une statue de Saint Pierre, et j’informais ma nouvelle amie de ma découverte.

Après ce petit exposé destiné à votre édification culturelle et religieuse place maintenant à une petite déambulation sous le soleil d’autant plus agréable que le mistral était tombé.

le passage du lion, lequel surveille depuis les hauteurs alors qu’un chat guette au sol

Sur les murs et les portes … (cliquer sur les flèches pour faire défiler (de maquereau) :

ou sur un poteau de lampadaire

Clin d’oeil à IAM le groupe emblématique de la ville et son école du micro d’argent
Un chat aux étranges moustaches sur le capot d’une voiture avec (petite) vue sur la grande bleue
Un poulpe, mon animal marin fétiche d’où me vient mon surnom
Lou Sard, une bien étrange sainte…

Et voilà, ce fut une bien belle journée que ce dimanche marseillais, j’ai voulu vous en faire profiter et partager avec vous ces moments agréables.
Un grand merci à Lili, Nathalie et Hervé pour leur charmante compagnie.

Et en rentrant, nous nous sommes arrêtés dans la petite ville voisine de la notre pour admirer un beau coucher de soleil depuis les impressionnantes banquettes de posidonie.


©Pierre Grandmonde 09 décembre 2023

2 commentaires

  1. bleufushia · décembre 9

    On se cultive avec toi ! Quel imbroglio, cette histoire de chaînes ! J’aime beaucoup ce quartier. Et je comprends que des peintres y aient vécu : douceur de la lumière, les collines permettant rapidement des points de vue splendides sur la mer. Et toutes les maisons à l’ancienne… Le centre de Marseille est à deux pas et on est dans un autre monde. Merci de ta balade, bien différente de celle que j’ai faite, mon attention n’étant pas forcément portée sur les mêmes choses.
    Et merci pour la pareidolie (je ne l’aurais pas repérée, celle-ci)

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