Digressions autour d’une balade marseillaise


Il faisait froid dimanche matin.
Le thermomètre sur le balcon indiquait 0,5 degrés à 7 heures, et le mistral qui soufflait en rafales rendait le fond de l’air carrément glacial.
Un temps à rester sous la couette, mais nous avions prévu, mon amie Lili et moi d’aller en compagnie de nos voisins faire une virée à Marseille.
Le rendez-vous était fixé à 9 heures 09, il était entendu que nos voisins qui habitent l’étage du dessus toquent à notre porte en descendant.
Du moins, c’est ce qu’avait compris Lili lors de ses échanges avec les voisins qui avaient donné lieu à cette heure de rencart quelque peu fantaisiste.
Nous étions fin prêts et chaudement couverts, sachant que la température à Marseille ne serait pas plus douce, et que le mistral y serait plus violent.
9 heures 09, personne, ni à 9 heures 10, pas plus à 9 heures 11…
A 9 heures 15, je demande à Lili si elle a bien compris l’heure du rendez-vous, elle relit ses SMS échangés la veille avec le voisin, – au fait, il s’appelle Hervé, profitons que ses parents lui aient donné un prénom pour le nommer ainsi, ce sera plus simple-.
« Rendez-vous à 09:09 en bas ». Sauf que lui entendait par « en bas » le parking et que Lili l’avait interprété comme l’étage du dessous, c’est à dire le notre, pour ceux qui n’auraient pas suivi.
Rien de bien grave, si ce n’est que nos voisins se sont caillés les miches une dizaine de minutes en nous attendant sur le parking de la résidence.

Dimanche matin, 50 bornes à faire, dont 40 d’autoroute, ça roule bien, et nous arrivons à notre destination au bout de trois quarts d’heure impeccablement guidés par la synthétique cagole Mireille de l’application de navigation Waze.
En général, nous comme les voisins, privilégions les déplacements en train, mais le lieu où nous nous rendions était excentré, et les transports marseillais étant ce qu’ils sont, qui plus est un dimanche où  la fréquence des bus est moindre. Rajoutez le froid, et le fait que nous étions quatre , il nous a paru opportun d’utiliser la voiture d’autant qu’il y avait un parking sur le site.

Nous avions choisi  de nous rendre à la cité des arts de la rue en ce premier dimanche du mois, jour où il y a desanimations, des performances d’artistes, des conférences, et un petit marché de producteurs, d’artisans, et d’associations et des stands de restauration.

Un lieu que j’avais envie de visiter depuis longtemps intrigué par ce bus visible depuis l’autoroute Aix-Marseille que j’ai empruntée durant de longues années pour me rendre au boulot.

Cette cité des arts, se trouve dans les quartiers Nord, de sinistre réputation , et là un petit cours de géographie s’impose, (mais si vous êtes allergique à cette discipline – chère au grand savant anarchiste Elisée Reclus -, vous pouvez sauter ce paragraphe) car les plans de Marseille, ville très étendue, 240 km² (contre 105 à Paris) indiquent le plus souvent le Vieux-Port en bas de la carte, qui par convention indique le sud.

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Plan traditionnel de Marseille avec l’entrée maritime du Vieux-Port en bas de la carte


Alors que l’orientation du Vieux-Port se trouve à l’ouest comme l’indique cette carte-ci

orientation réelle de la ville

Et donc, les quartiers Nord sont plutôt proches de la façade maritime alors que le plan traditionnel laisse à penser qu’ils sont implantés vers l’intérieur des terres.
Fin de la parenthèse, mais avouez que c’est trompeur pour qui découvre cette ville dans laquelle je n’ai jamais vécu mais où j’ai travaillé pendant plusieurs années.
J’en garde un souvenir très contrasté tant cette ville m’inspire à la fois fascination et rejet.
Mais je m’égare (Saint Charles) et je vous ai dit que nous étions venus en voiture d’abord pour voir ça :

Située dans les quartiers Nords de Marseille, la cascade des Aygalades offre un incroyable moment de paix en pleine nature. Nichée en plein cœur du 15ème arrondissement, cette chute d’eau de 9 mètres de haut se trouve sur la propriété du Château Falque. À l’époque, l’endroit était réservé à la bourgeoisie marseillaise du 19ème siècle. Dans les années 1940 , la propriété fut démolie pour la construction de l’autoroute A7. Ces travaux mirent à mal l’accès au ruisseau et la cascade fut un temps oubliée et délaissée. Pourtant, depuis 2016, des artistes et la Cité des Arts de la Rue se sont attelés à la tâche et ont rendu possible la réhabilitation et à la préservation des Aygalades.
© Inès Azouz pour Marseille secrète, photo Bernard Ddd

Mais une fois arrivés au lieu dit de la cascade après avoir longé un ruisseau où s’écoulait un filet d’eau, grande fut notre déception.

Nous nous sommes trouvés devant un paysage navrant d’une petite falaise de laquelle aucune eau ne tombait.

Il y en avait un peu dans l’espèce de mare qui sert de réceptacle à la cascade lorsque qu’elle coule, mais elle était jonchée de détritus ramenés par le vent.
C’était tellement moche que je n’ai pas fait de photo.
Néanmoins le sentier était agréable et nous découvrîmes de jolis vitraux

vitrail à l’emplacement de la fenêtre d’une ruine d’un ancien moulin

Il y avait aussi un rhinocéros qui écoutait une conférence sur le thème de l’eau

Un public bien emmitouflé

et aussi une noria

la noria constituée de palettes

Mais remontons les escaliers pour rejoindre la cité des arts

je suis timide, mais je me soigne
(Et pour vous accompagner dans cette lecture fastidieuse, un peu de musique avec ce morceau des Massilia Sound System, groupe emblématique de la scène marseillaise, où en entend cette expression.)


ça ne manque pas de piquant!
j’ai moi-même essayé dans mon jeune âge ce genre de charlatanerie pour tenter de me débarrasser d’une timidité maladive qui m’a beaucoup handicapé dans mon parcours scolaire et les relations sociales…

Je vous propose un petit tour de marché (cliquer sur la flèche pour faire défiler les photos)

J’ai rencontré sur ce marché un fort sympathique marchand de produits issus de la terre meurtrie de Palestine, et découvert des céréales (Frikké) et des épices (Zaatar) que je vais me faire un plaisir de préparer un de ces jours.
Je lui ai aussi acheté une petite crèche en bois d’olivier faite à Béthleem, pour envoyer à ma sœur qui habite le Nord où j’ai grandi, pour resserrer des liens un peu distendus.
Nous avons été élevés dans la religion de la très sainte église apostolique et romaine, et si j’ai perdu assez vite la foi, elle est restée très croyante, ce que je respecte, d’autant que le prosélytisme lui est étranger.
Je sais qu’elle a beaucoup prié pour moi lorsque j’étais malade et ma guérison aussi soudaine que surprenante – j’en suis moi-même chaque jour surpris – pourrait tenir du miracle.
Qui sait ?
Néanmoins, je crois davantage à ça

Je n’attends rien du ciel.
(sauf la pluie qui fait cruellement défaut dans la région, même si aujourd’hui il a plu toute la journée)

Foin de digressions, revenons à nos moutons si vous le voulez bien.

J’ai beaucoup aimé ce lieu surprenant et insolite, petit morceau de verdure coincé entre l’autoroute et les cités environnantes et foutrement photogénique.
Un petit florilège de ce que j’ai vu dans ce petit diaporama

Non, une poubelle n’est pas un bidon, niet, nein, déjà une poubelle est-elle une poubelle ?

Un peu de musique ?
Je vous propose un morceau que j’aime bien qui parle de Belsunce, un quartier populaire du centre de Marseille, entendu lors de ma périgrination sur le site où officiait un Dj.

Bien sûr, dans ce genre d’endroit les murs ne restent pas muets

Et puis il y avait aussi une « performance archéologique ».
Depuis plusieurs années des artistes de street-art en résidence ont peint sur un mur, les nouvelles œuvres recouvrant les anciennes, les couches se superposant et créant une belle épaisseur.
La performance menée dans le plus grand sérieux scientifique consistait à extraire des carrés de peinture d’une quinzaine de centimètres de côté de les analyser et les répertorier, à l’aide d’un press book qui contenait les photos des 50 peintures qui ont été faites.
Malheureusement, je n’avais plus de batterie pour faire des photos, mais mon amie Lili m’en a gentiment mis à disposition afin que j’illustre mon propos


Je vous recommande fortement son article qui offre un autre regard décalé sur cet endroit avec le talent qui la caractérise.

un lieu à part où on se sent ailleurs
je vous salue




Je voulais enchaîner sur la suite de cette journée, car après nous être restaurés dans une ancienne serre chauffée transformée en réfectoire profitant des rayons du soleil à travers la verrière et protégés du glacial mistral, nous ne savions pas trop quoi faire, il était encore tôt, mais s’enquiller dans le centre-ville pour visiter d’autres lieux nous paraissait compliqué lorsqu’on sait les problèmes de stationnement.
J’ai alors eu l’inspiration soudaine d’aller faire une promenade à l’Estaque, quartier situé à quelques kilomètres où je pensais que nous pourrions nous garer facilement et que nos voisins ne connaissaient pas.
Mais cet article étant déjà suffisamment long, j’en ferai (peut-être) un autre pour la suite de cette balade marseillaise.

merci de m’avoir lu

© texte et photos (sauf mention contraire et cartes) Pierre Grandmonde 5.12.2023

4 commentaires

  1. Pingback: Balade marseillaise, la suite à l’Estaque | le petit monde de Pierre
  2. bleufushia · décembre 5

    Plein de renseignements pour compléter les photos, fort belles. J’aime beaucoup les deux illustrations musicales qui rajoutent à l’ambiance et le rappel plutôt pertinent sur la ténébreuse affaire de la représentation cartographique de Marseille, qui plante complètement la façon de considérer les choses. En tout cas, bel endroit. Et merci pour renvoyer tes lecteurs sur mon article (très peu documentaire et documenté, cependant) issu de la même visite.
    Bravo pour les diaporamas 😘

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  3. Loulou · décembre 5

    Super journée !!!

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  4. lilivanille · décembre 5

    Merci pour cette balade ! J’ai beaucoup aimé – texte et photos.

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